Quel est le poids du soft power japonais ?
Selon le site Softpower30.com, le Japon se situait en 2018 au cinquième rang des puissances de soft power et sa capacité de séduction s’étend bien au-delà des mangas et des anime1. La Chine, dont le gouvernement investit massivement dans des instruments de soft power comme les instituts Confucius, se situe au vingt-septième rang et la Corée du Sud, dont la culture est de plus en plus connue dans le monde, au vingtième2. Le soft power est donc – de longue date – un atout majeur pour le Japon. Il est particulièrement positif que cette perception de la puissance japonaise, de sa créativité, de sa capacité d’innovation soit perçue non pas uniquement par les élites mais par de larges segments de la population, et de la jeunesse, au niveau global. L’industrie des mangas et de l’anime au Japon représente aujourd’hui près de 20 milliards de dollars. Mais la mode, la cuisine, le cinéma, l’artisanat et le design font aussi partie du soft power japonais, renforcé par la réputation de qualité attachée aux productions nippones. L’ouverture au tourisme, fortement encouragée par le gouvernement Abe, a été multipliée par six depuis 1996, pour atteindre plus de 31 millions de visiteurs en 2018, suscitant parfois des phénomènes de rejet. À l’inverse, le nombre de jeunes Japonais souhaitant se rendre à l’étranger pour étudier est en diminution constante, comme si le confort préservé de l’État insulaire limitait les prises de risque vers un monde de plus en plus incertain.
Le Premier ministre Junichiro Koizumi a été un des premiers à faire preuve d’innovation en choisissant de promouvoir ce soft power japonais avec des slogans comme « Cool Japan ». Mais si le soft power du Japon est solide et persistant, il peut être aussi menacé par des initiatives qui visent à le transformer en instrument d’une diplomatie publique plus contrôlée. Pour répondre aux campagnes menées en Corée du Sud ou en Chine sur les questions d’histoire, les autorités japonaises sont tentées d’adopter une attitude dogmatique, fascinées par un modèle chinois qui peut sembler plus efficace. Ce penchant s’exprime surtout dans certains cercles conservateurs, qui confondent autoritarisme et influence, immobilisme et respect des traditions. Cette évolution, qui ne correspond pas à une société japonaise beaucoup plus ouverte, contribue à l’image parfois négative du Japon dans les médias étrangers, notamment sur les questions historiques. Le défi pour Tokyo est donc celui de la communication, qui passe aussi par une meilleure connaissance de l’étranger et l’acceptation des Japonais qui, par leur éducation ou leurs origines mixtes, ont une compréhension plus juste du monde extérieur.