Le made in Japan est-il toujours synonyme de qualité ?
Lorsque la plupart des gens pensent aux produits japonais, ils pensent automatiquement à la haute qualité. Mais ces dernières années, avec l’essor de la Chine en tant que puissance manufacturière, certains ont commencé à se demander si cette perception était toujours exacte. Comme le dit le proverbe, « vous obtenez ce pour quoi vous payez » Et si les produits fabriqués en Chine peuvent être moins chers en apparence, ils entraînent souvent des coûts cachés en termes de qualité et de durabilité.
Les dysfonctionnements du mode de production et des relations de travail au Japon ont été mis en évidence à travers plusieurs scandales qui ont profondément bouleversé l’image de perfection et d’efficacité de l’archipel1. L’accident nucléaire de Fukushima et plus encore sa gestion catastrophique par la société Tepco sont un symbole de ces dysfonctionnements qui ont jeté le doute sur l’ensemble de l’industrie nucléaire au Japon et à l’étranger2. La confusion de la chaîne de gestion des crises, le manque d’indépendance de la vérification de la sûreté nucléaire, la crainte de prendre des décisions radicales dans l’urgence et l’absence de transparence font partie des éléments qui ont contribué à aggraver les conséquences de l’accident provoqué par le tsunami.
À un niveau moins dramatique, les ennuis technologiques de plusieurs entreprises japonaises ont également nui à l’image de l’économie au Japon. Comme en Allemagne, le fleuron des entreprises du secteur automobile, Mazda, Nissan, Subaru, Suzuki, Toyota et Yamaha, a été accusé d’avoir falsifié des tests de consommation d’essence et de pollution. Kobe Steel a également été incriminé pour avoir diffusé des informations erronées sur ses matériaux afin de remporter des marchés spécifiques, et le sous-traitant Takata, principal fabricant d’airbags au Japon, a fait faillite, responsable du rappel de dizaines de milliers de véhicules exportés. Quant à l’entreprise Toyota, elle a procédé en 2018 à un remaniement de sa direction pour tenter de reconstruire son image écornée d’entreprise de haute qualité.
La notion de qualité est en effet un élément essentiel du système de production japonais. Avant l’industrialisation, la tradition de l’artisanat mettait l’accent sur la perfection du geste et la qualité des produits. Par ailleurs le consommateur japonais est particulièrement exigeant, rejetant tout ce qui ne serait pas bien fabriqué ou peu pratique. Le toyotisme a longtemps été le symbole de cette qualité appliquée à l’industrie, autorisant les constructeurs japonais à offrir des garanties plus longues que leurs concurrents.
Pourtant, c’est en appliquant les théories d’un Américain, W. Edwards Deming, que les entreprises japonaises d’après guerre ont reconstruit un modèle industriel original fondé sur la réduction du gaspillage, la recherche d’une qualité optimale tout au long de la chaîne de production, le souci de l’excellence et du perfectionnement (改善, kaizen) et l’intégration des équipes, de l’ouvrier aux ingénieurs. L’objectif était de privilégier des produits totalement fiables et durables, aux dépens du prix. Ces principes sont moins adaptés aux économies stagnantes, au Japon comme en Occident, ou aux marchés des pays émergents pour qui le coût est un facteur décisif. Ils sont également moins adaptés à des sociétés de surconsommation dans lesquelles l’obsolescence programmée tire la croissance.
Pourtant, le principe de qualité n’a pas disparu des mentalités japonaises. Si la production de masse a été délocalisée, les principes de contrôle de qualité des produits importés l’ont été aussi et la multiplication des magasins à bon marché « 100 Yen Shops » dans l’archipel n’empêche pas le maintien d’un niveau de qualité des produits offerts plus élevé qu’ailleurs.