Le cinéma japonais est-il toujours vivant

Le cinéma japonais est-il toujours vivant ?

Il fut un temps où le Japon était le leader mondial du cinéma. Akira Kurosawa, Yasujirō Ozu et Kenji Mizoguchi ne sont que quelques-uns des grands réalisateurs qui ont contribué à faire du cinéma japonais l’une des formes d’art les plus respectées au monde. Mais ces dernières années, l’industrie cinématographique japonaise a connu des temps difficiles. Les budgets ont été réduits, les recettes du box-office ont diminué et les cinéastes de talent sont partis vers des horizons plus verts. Le cinéma japonais est-il encore vivant ? Ou est-il en voie d’extinction ?

Le cinéma japonais, qui est apparu dès le début du XXe siècle, est en crise. En 2014, le réalisateur Takeshi Kitano, célèbre pour ses films de gangsters non conventionnels, dénonçait l’indigence et le conformisme de la production contemporaine, très nippo-centrée. La production japonaise, plusieurs centaines de films par an, est en effet importante numériquement mais peu exportée. Les grands studios comme Tôhô, Toei ou Shôchiku produisent d’abord pour le public japonais, en dépit des encouragements du gouvernement japonais, qui a créé en 2013 le Cool Japan Fund1.

Dans les années 1950-1960, le cinéma japonais a rencontré une audience considérable en Europe, et notamment en France, porté par la Nouvelle Vague. Des cinéastes comme Akira Kurosawa (Les Sept Samouraïs), Kenji Mizoguchi (Les Contes de la lune vague après la pluie) ou Yasujiro Ozu (Voyages à Tokyo) ont tous connu un succès très important à l’étranger comme au Japon. Ce phénomène est aujourd’hui beaucoup plus réduit, en dépit de l’influence de cinéastes comme Hirozaku Kore-Eda (Palme d’or à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille) désigné à Venise en 2019 comme le premier des cinéastes asiatiques. En revanche, des genres jugés mineurs comme les anime ont trouvé un nouveau public autour des films d’animation de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli qui, comme les mangas, trouve son inspiration dans une culture japonaise très ancienne et la référence au monde des esprits (Totoro, Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké).

Mais au-delà de cette production de qualité, le cinéma japonais s’est considérablement diversifié à partir des années 1970, exploitant des genres mineurs, comme les films de yakuzas, les films d’horreur (Hideo Nakata) ou les films érotiques (pink movies) au service parfois d’une critique radicale de la société, héritée des mouvements de protestation des années 1960. Cette production toutefois, comme les comédies japonaises, est très peu connue à l’étranger, à l’exception de Tampopo de Juzo Itami (1985), donnant l’image déformée d’un cinéma et d’une culture très élitiste et souvent tragique (La Ballade de Narayama de Shohei Imamura, Palme d’or à Cannes en 1983). Des réalisateurs issus de cette mouvance ont toutefois connu aussi un succès international, plus que dans leur propre pays. C’est le cas notamment de Nagisa Oshima avec L’Empire des sens produit en France en 1976. Plus récemment, Takeshi Kitano (Outrage) ou Takashi Miike (Ichi the Killer) se démarquent, par leur style satirique ou violent, d’un cinéma souvent très consensuel.

Confrontée à une baisse de fréquentation, la production contemporaine, dominée par les grands studios, tend à privilégier l’adaptation de mangas ou de séries télévisées à succès, avec des jeunes acteurs connus localement. Peu nombreux sont les réalisateurs tentés par l’exportation de films initialement produits pour le seul marché intérieur, accroissant ainsi le phénomène de coupure avec le monde extérieur.


1. Fonds de financement destiné à encourager la diffusion de la culture japonaise contemporaine.