Comment le Premier ministre peut-il contribuer à renouveler l’action en faveur du désarmement à l’occasion du 80e anniversaire de la révolution ?
Par Thomas Countryman, Shizuka Kuramitsu et Daryl G. Kimball, KYODO NEWS – 7 septembre 2024 – 08h33 | Japon, Monde, Tous
A l'approche du 80e anniversaire des bombardements atomiques américains d'Hiroshima et de Nagasaki, les risques catastrophiques posés par les armes nucléaires s'accroissent. Comme l'a averti le secrétaire général de l'ONU en juin dernier : « Nous devons nous éloigner du gouffre nucléaire. »
Les principaux États dotés d’armes nucléaires dépensent des dizaines de milliards de dollars pour moderniser leurs arsenaux, certains menacent de recourir en premier à l’arme nucléaire et le régime conçu pour empêcher l’utilisation, les essais et la prolifération des armes nucléaires est mis à rude épreuve. Le dernier accord limitant les deux plus grands arsenaux du monde, le New START, expirera en 2026. Nous devons voir les engagements en matière de désarmement se traduire en actes.
Les États dotés d’armes nucléaires doivent, bien sûr, montrer la voie en s’engageant dans des négociations significatives pour plafonner et réduire davantage leurs arsenaux meurtriers, mais tous les pays doivent intensifier leurs efforts, y compris le Japon.
Alors que Fumio Kishida se prépare à quitter son poste de Premier ministre, lui et son successeur ont l’occasion et la responsabilité de faire progresser les efforts visant à prévenir la guerre nucléaire et la course aux armements nucléaires en convoquant l’année prochaine une conférence mondiale historique de deux jours sur les impacts des armes nucléaires sur la santé humaine et l’environnement, à l’occasion du 80e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Kishida pourrait annoncer un tel effort lors de sa dernière visite en tant que Premier ministre aux réunions de l’ONU qui auront lieu plus tard ce mois-ci.
Une telle conférence serait conforme à l'histoire du Japon, qui a toujours joué un rôle moteur dans la construction du système mondial de contrôle des armements et de non-prolifération. Elle pourrait non seulement rappeler les ravages et les séquelles des bombardements atomiques de 1945 et honorer les « hibakusha », mais aussi souligner les effets dévastateurs à l'échelle mondiale de plus de 2 000 explosions nucléaires expérimentales et l'héritage toxique des activités de production d'armes nucléaires menées par les neuf États dotés d'armes nucléaires.
Une conférence sur les impacts des armes nucléaires organisée par le Japon en 2025 pourrait également encourager indirectement les dirigeants de Washington, Moscou et Pékin à engager des négociations directes pour réduire les risques nucléaires et conclure de nouveaux accords visant à stopper et à inverser la course aux armements. La conférence renforcerait également la pression publique au Japon et dans le monde entier en faveur de nouvelles mesures visant à nous remettre sur la voie de la paix et de la sécurité dans un monde sans armes nucléaires.
Au cours de sa carrière, Kishida a contribué à sensibiliser le Japon au danger nucléaire. En 2016, il a accueilli la visite historique du président américain de l’époque, Barack Obama, dans sa ville natale, Hiroshima. En tant que Premier ministre, il a choisi Hiroshima comme lieu du sommet du Groupe des Sept de 2023, qui a élevé le désarmement nucléaire à l’ordre du jour mondial. Il a créé un Groupe international de personnalités éminentes sur le désarmement et un Fonds de jeunes leaders pour un monde sans armes nucléaires et a fait pression pour que des négociations soient menées sur un traité visant à mettre fin à la production de matières fissiles pour les armes.
Lors du sommet du G7 et à d’autres occasions, il a également observé que : « Transmettre la réalité de l’attaque nucléaire est important comme point de départ de tous les efforts de désarmement nucléaire. »
En effet, à l’heure où le risque nucléaire est accru, il est impératif que les dirigeants mondiaux comprennent mieux les conséquences des essais, de la production et de l’utilisation des armes nucléaires. Cela est d’autant plus important que le nombre de hibakusha ayant des souvenirs directs des attaques nucléaires continue de diminuer. Fin mars 2024, l’âge moyen des survivants dépassait 85,58 ans.
Nous devons tous chercher de nouvelles méthodes audacieuses pour garantir que leur expérience et leurs souvenirs ne soient pas perdus afin que les générations futures comprennent pleinement pourquoi une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée.
Le Japon, seul pays à avoir connu les horreurs indescriptibles d’une attaque nucléaire, est particulièrement bien placé pour prendre la tête d’une conférence de haut niveau en 2025 sur les impacts sanitaires et environnementaux des armes nucléaires et de la guerre.
En tant qu’espèce, nous n’avons jamais pleinement saisi l’ampleur des ravages catastrophiques causés par les armes nucléaires au cours des huit dernières décennies. L’impact de l’utilisation à grande échelle d’armes nucléaires sur notre planète et notre espèce est encore plus difficile à appréhender, et certains pourraient dire qu’il est impensable. Néanmoins, la civilisation humaine reste précairement liée à l’existence des armes nucléaires et à la menace constante qu’elles pourraient représenter.
Il est plus urgent que jamais pour nous tous de réfléchir aux enjeux et pour nos dirigeants de prendre des mesures significatives avant qu’il ne soit trop tard.
(Daryl G. Kimball est le directeur exécutif de l'association non gouvernementale Arms Control Association (ACA), Shizuka Kuramitsu est assistante de recherche à l'ACA et Thomas Countryman est un ancien sous-secrétaire d'État américain par intérim pour la sécurité internationale et la non-prolifération et président du conseil d'administration de l'ACA.)