Le Japon est-il encore un acteur majeur de l’aide au développement ?

Le Japon est-il encore un acteur majeur de l’aide au développement ?

Le Japon consacre 0,26 % de son produit national brut (PNB) à l’aide au développement. En 2018, Tokyo était à la quatrième place dans le monde par pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne, et l’Allemagne, avec un montant de 14,2 millions de dollars, en augmentation de 3 % en 20191. Ce chiffre est très inférieur à celui de la Chine, évalué à 38 milliards pour la même année. Toutefois, les modes de calcul et l’absence de transparence dans le cas de la Chine sur les montants déboursés rendent les comparaisons difficiles2.

La stratégie du Japon en matière d’aide au développement remonte aux années 1960, et a été initialement focalisée sur l’Asie de l’Est puis, à partir des années 1980, sur la Chine des réformes. L’aide au développement, officieusement, était un moyen pour Tokyo de « réparer » les dommages de la Seconde Guerre mondiale, et de soutenir l’implantation de ses entreprises dans les zones concernées. Les principes qui guident aujourd’hui cette aide du Japon ont profondément évolué. Après une période de restriction budgétaire qui a suivi l’éclatement de la bulle économique des années 1980 et la fin de la guerre froide, le pays accorde à nouveau une place essentielle à l’aide au développement – multilatérale et bilatérale – comme instrument de stratégie extérieure du Japon.

Selon la Charte sur la coopération en matière de développement définie en 2015, les objectifs de l’aide au développement doivent être de promouvoir la « sécurité humaine », une croissance de qualité et durable, l’autosuffisance et l’amélioration de la gouvernance. En matière de sécurité, le Japon considère que ses programmes d’ODA (Official Development Assistance) contribuent à la stabilisation des régions fragiles, notamment en Afrique. Tokyo, toutefois, participe aussi à des projets de développement des capacités dans des secteurs comme la surveillance maritime, l’espace ou le cyber, qui se situent à la frontière du militaire et du civil.

Une partie importante de l’aide au développement passe par les organisations multilatérales comme le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale ainsi que les banques asiatique et africaine de développement, mais les projets bilatéraux, plus directement « visibles » diplomatiquement, sont en augmentation. L’Afrique subsaharienne est aujourd’hui le premier récipiendaire des programmes d’aide du Japon (1,788 milliard de dollars), suivie à quasi-égalité par l’Asie (1,626 milliard).

Dans ce dernier continent, la Chine n’est plus récipiendaire et le Japon souligne que la République populaire de Chine (RPC) – qui offre des prêts aux pays les plus vulnérables dans le cadre des Routes de la soie au risque du « piège de la dette » – n’a plus vocation à conserver son statut de pays récipiendaire. L’Inde est désormais le premier pays destinataire des programmes d’ODA du Japon avec un montant de 867 millions de dollars, suivie par les membres de l’Asean avec un montant de 589,49 millions. Les programmes d’ODA du Japon sont donc très liés aux enjeux géopolitiques auxquels l’archipel fait directement face dans une zone indo-pacifique vitale pour ses intérêts directs.


1. Ministry of Foreign Affairs, « Japan’s International Cooperation White Paper », Development Cooperation 2016, www.mofa.go.jp/files/000282089.pdf , la France se situe à la cinquième place avec un montant de 12,2 milliards de dollars en 2018, 0,43 % du PNB.

2. Par ailleurs, l’« aide chinoise », qui comprend l’aide militaire, est souvent liée à l’octroi des contrats aux entreprises chinoises.