Que signifie la « restauration Meiji » ?
En 1868, la restauration Meiji a eu lieu au Japon. Cet événement a marqué une période de grande transformation pour le pays, qui est passé d’une société isolée à une nation moderne.
En 1853, les « bateaux noirs » (黒船, kurofune) du commandant américain Perry ont abordé au Japon, au large de Yokosuka, mettant fin à plus de deux siècles de fermeture sur l’extérieur. En 1854, la convention de Kanagawa imposait l’ouverture commerciale du Japon et l’établissement de relations diplomatiques avec les puissances occidentales. Cette ouverture forcée, et la signature de « traités inégaux », sur le modèle de ce que l’empire de Chine avait connu après les guerres de l’opium, a précipité au cours de l’histoire du Japon la fin d’un système shogunal en déclin.
Après des années d’affaiblissement progressif du pouvoir shogunal, sur fond d’ouverture sur l’étranger et de réveil d’anciennes frustrations claniques, la guerre de Boshin (1868-1869), imposera la victoire des clans favorables à la fin du shogunat.
En 1868, en se transportant à Edo, rebaptisé Tokyo (東京, « la capitale de l’Est »), l’empereur Meiji marquait la restauration du pouvoir impérial et l’ouverture d’une nouvelle ère de modernisation rapide, de montée en puissance, et d’intégration au concert des grandes puissances. Mais paradoxalement, ce retour de l’empereur s’est initialement fait au nom de la fidélité aux valeurs traditionnelles du Japon symbolisées par le slogan sonnô jôi (尊王攘夷, « révérer l’empereur et chasser les barbares »)1.
Sous l’ère Meiji, le Japon s’est imposé au premier rang des puissances en Asie en suivant le modèle occidental et en bouleversant l’ordre traditionnel fondé sur la supériorité incontestée de l’empire de Chine. Dans l’archipel, le système rigide des castes en vigueur sous l’ère Edo (1603-1868) a été aboli et un système éducatif universel, progressivement mis en place.
En 1871, la « mission Iwakura », une délégation composée d’une centaine de fonctionnaires, d’intellectuels et d’étudiants, a été envoyée pour un an aux États-Unis et en Europe, afin d’observer les éléments de la puissance occidentale et de les mettre en pratique dans l’archipel.
En 1889, l’adoption d’une Constitution faisant du Japon la première monarchie constitutionnelle du monde non occidental a permis la révision des « traités inégaux » imposés entre 1854 et 18582. En mettant en place un plan d’acquisition des techniques et savoirs occidentaux, le Japon est devenu en quelques années la première puissance industrielle et militaire en Asie, en appliquant le slogan fukoku kyôhei (富國強兵, « pays riche et armée puissante »)3.
En 1894, la première guerre avec l’empire des Qing impose la suprématie du Japon et lui apporte ses premières colonies japonaises, avec l’île de Taïwan, par le traité de Shimonoseki (1895). En 1905, la victoire du Japon sur la Russie bouleverse les représentations du monde occidental et ouvre à Tokyo la voie de la colonisation de la Corée, tributaire de l’empire de Chine jusqu’en 1895, puis convoitée par la Russie, qui deviendra effective en 1910. En moins de cinquante ans, entre 1868 et 1912, l’ère Meiji posera les fondements de la puissance japonaise dans la première moitié du XXe siècle.
1. En 1863, un décret jamais appliqué prévoyait l’expulsion des étrangers.
2. Ils seront totalement abolis après la victoire du Japon sur l’empire des Qing en 1895.
3. Il s’agit d’un principe hérité des théories légistes mises en œuvre par le premier empereur de Chine, Qin Shihuang, en 221 avant notre ère.